Avancée dans l'indemnisation des accidents médicaux non fautifs


 

La survenance prématurée des troubles : la condition d’anormalité du dommage précisée par la Cour de Cassation

 

 

Par une décision du 6 avril 2022, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a élargi les contours de la condition d’anormalité du dommage dans le cadre des accidents médicaux non fautifs. Il s’agit d’une belle avancée, autant pour les clients du Cabinet GHL ASSOCIES qui étaient concernés par cette décision, que pour l’ensemble des victimes d’accidents médicaux.

 

 

En l’espèce, le patient âgé de soixante-neuf ans a subi une intervention chirurgicale cardiaque en 2012. Au cours de son opération, il a présenté une crise convulsive généralisée. À son réveil, il a été constaté la persistance d’une hémiplégie gauche avec mise en évidence d’une occlusion complète de la carotide interne droite. Une nouvelle intervention avec réalisation d’un pontage carotidien a été réalisée en urgence. Néanmoins, le patient n’a jamais récupéré et a dû être transféré en réanimation. À l’issue d’un long parcours de soins et de rééducation, il est revenu à son domicile dans un état de dépendance complète. Il est finalement décédé en 2016.

 

 

La famille de la victime souhaitait obtenir réparation des préjudices tant à titre personnel qu’en leur qualité d’ayant droit. Ils ont donc sollicité la réalisation d’une expertise médicale qui s’est avérée déterminante. Les experts ont considéré que le patient avait été victime d’un accident médical non fautif ayant accéléré l’évolution prévisible dune situation pathologique quil présentait avant lintervention.

 

 

En d’autres termes, si l’état antérieur de la victime aurait dû la conduire inexorablement vers une dégradation très importante de son état de santé, l’accident médical dont elle a été victime avait précipité de plusieurs années, la survenance de cette dégradation.

 

 

S’agissant de l’accident médical, la Cour d’appel a retenu que les séquelles présentées par la victime ne constituaient pas des conséquences anormales au regard de l’évolution de sa situation initiale.

 

 

Il est en effet important de rappeler que depuis la loi du 4 mars 2002[1], l’article L 1142-1, II du Code de la Santé Publique dispose que l’accident médical doit être directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic, ou de soin revêtant un caractère de gravité et d’anormalité.

 

 

La notion d’anormalité a été clarifiée par la jurisprudence. Ainsi, la condition d’anormalité est remplie lorsque « lacte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient aurait été exposé de manière suffisamment probable en labsence de traitement. » Subsidiairement, elle peut l’être lorsque « la survenance présentait une probabilité faible eu égard aux conditions dans lesquelles lacte de soin a été accompli. » (Conseil d’État, 12 décembre 2014, n°355052 ; Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, le 15 juin 2016, n°15-16.824).

 

 

Le Conseil d’Etat a par la suite poursuivi la construction jurisprudentielle en considérant en Chambres Réunies le 13 novembre 2020[2], que les conséquences notablement plus graves « sentendent lorsque les troubles présentés, bien quidentiques à ceux auxquels le patient était exposé par l’évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. »

 

 

La Cour de Cassation n’avait, néanmoins, pas modifié sa jurisprudence à la suite de cet arrêt ce qui avait eu pour effet d’entrainer une rupture d’égalité entre les justiciables puisque selon que l’accident était survenu dans un hôpital public ou dans une clinique, les premiers étaient indemnisés tandis que les seconds se trouvaient privés de l’accès à l’indemnisation par la solidarité nationale,

 

 

En connaissance de la jurisprudence et au regard des conclusions d’expertise, les ayants-droits ont formé un pourvoi en cassation en espérant un revirement de la part de la Cour de Cassation.

 

 

C’est finalement le 6 avril 2022 que la Cour s’est prononcée en faveur de nos clients et a rejoint l’interprétation du Conseil d’Etat, dans un arrêt qui a fait grand bruit.

 

 

Il sera noté que les juges ont néanmoins fait preuve de prudence en précisant expressément que l’indemnisation ne peut être due que « jusqu’à la date à laquelle les troubles seraient apparus en labsence de survenance de laccident médical ». L’évidence de cette précision marque la sensibilité de la question: celle d’une aggravation prévisible des dépenses de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux).

 

 

Le cabinet GHL Associés se félicite de cette avancée jurisprudentielle, mettant fin à une situation objectivement inique. encourageant une meilleure appréhension de la technicité qu’implique la réparation des dommages médicaux.

 

 

Cet arrêt est une nouvelle occasion de rappeler le rôle crucial de l’expertise médico-légale dans l’indemnisation des dommages. Les Experts devront s’attacher à discuter de la qualification médico-légale des « troubles prématurés » … le débat est désormais ouvert.

 

Avec la précieuse collaboration de

Mesdemoiselles Alix Lavaux et Constance Mauléon

 

 

[1] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé

[2] Conseil d’Etat, Chambres Réunies, 13 novembre 2020, requête n°427750


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